Une formation innovante pour promouvoir le vélo
Le programme du nouveau Certificate of advanced studies (CAS) de l’Université de Lausanne sur les stratégies de promotion du vélo est unique en son genre en Suisse: axé sur la pratique, il offre à un public intéressé une approche intégrant de multiples aspects, y compris psychologiques et politiques, pour agir concrètement. PRO VELO y est associé.

👉 Informations et inscriptions
«La Suisse a besoin de professionnels formés pour une application correcte de la Loi sur les voies cyclables (LVC), découlant, rappelons-le, d’une votation fédérale où le vélo a été plébiscité à près de 74% », explique Marie Métrailler, directrice du Forum vélostations et bikesharing de PRO VELO Suisse et membre du Comité scientifique du nouveau CAS. «En Suisse, nous constatons encore un manque de connaissances sur la pratique du vélo tant dans le monde académique que dans la société.»
Les cours de la première édition du CAS commencent le 23 janvier et durent six mois. Le délai d’inscription est fixé au 26 septembre 2025. Explications de Patrick Rérat, co-directeur de l’Observatoire universitaire du vélo et des mobilités actives (OUVEMA) de l’Université de Lausanne, et de Dimitri Marincek, adjoint scientifique de l’OUVEMA.
La formation que vous proposez insiste sur la pratique, plus que sur la théorie. Pourquoi?
Effectivement, le CAS vise à transmettre des outils concrets, mais sans négliger les fondements théoriques. De nombreuses recherches sont menées à l’OUVEMA et nous souhaitons les présenter et les discuter. Notre public cible est toutefois constitué de personnes amenées à prendre des décisions concrètes. Nous privilégions donc l’évaluation des projets à leur conception technique. Ce CAS n’est pas une formation en planification d’infrastructures, mais elle permet de comprendre pourquoi certains aménagements ne fonctionnent pas, de définir les critères de décision pertinents et d’effectuer des arbitrages éclairés.
Avec l’entrée en vigueur de la Loi sur les voies cyclables (LVC), cantons et villes font face à une forte demande de spécialistes. Or, les compétences nécessaires sont aujourd’hui acquises sur le tas. Le CAS permet de les rassembler en une formation structurée.
Douze journées suffisent -elles?
La formation se compose de trois modules de quatre jours. Le premier porte sur les pratiques et les comportements – qui sont un élément central. Contrairement aux formations techniques qui se concentrent sur l’infrastructure, nous adoptons une approche orientée vers les usager ère∙s, car comprendre leurs motivations, les freins à la pratique ou les habitudes des cyclistes permet de concevoir des politiques réellement efficaces.
Le deuxième module analyse les infrastructures et leurs fonctions. Le dernier, enfin, explore les processus politiques et de mise en œuvre. Car la situation actuelle résulte de choix politiques, et non d’une évolution naturelle. Ce dernier module permet d’identifier les leviers concrets pour initier le changement.
Les changements dans l’espace public suscitent souvent des craintes. Ce point est-il abordé?
Oui, notamment à travers l’intervention d’Oriane Sarrasin, psychologue sociale, qui évoque ce qu’elle nomme les « dragons de l’inaction ». Ces freins, visibles à l’échelle des individus comme celle des institutions, rendent difficiles les changements, même lorsqu’ils sont souhaitables.
Les trois modules préparent les participants à surmonter ces résistances. Grâce aux regards croisés de praticiens et d’universitaires, nous adoptons une approche intégrée, qui commence par la compréhension fine des comportements et des besoins.
À quoi ressemble la partie pratique?
Chaque participant∙e travaille sur un cas concret – commune, entreprise, institution ou groupe cible – et développe une stratégie intégrée de promotion du vélo.
Des exercices ponctuels accompagnent chaque journée pour encourager la réflexion et l'application dans le contexte professionnel. Il peut s’agir d’observations sur le terrain, d’évaluation d’itinéraires, d’analyses de cas concrets. Nous mettons à disposition des méthodes pour que les personnes, ensuite, puissent les appliquer dans leur contexte professionnel et ne se basent pas uniquement sur des rapports, des chiffres, des données, mais aussi sur ce qu’elles peuvent voir sur le terrain. Un stationnement improvisé peut indiquer l’absence d’un parking vélo adapté, par exemple.
Une personne déjà expérimentée ne risque-t-elle pas de s’ennuyer?
(Rires) Pas du tout. Le CAS permet justement de structurer ses expériences, de réfléchir à ses actions, d’y trouver un fil rouge et de prendre du recul sur son travail quotidien. Les participant∙e∙s peuvent venir avec un projet concret et y réfléchir à la lumière des enseignements du CAS.
Le lien entre théorie, terrain, études de cas, visites et débats permet à chacun de progresser, quels que soient le niveau de départ ou le profil. Notre programme comble un vide: ni les ingénieurs en transport ni les géographes, entre autres, ne sont formés à surmonter certains obstacles dans la mise en œuvre des politiques publiques.
Quels obstacles
Les blocages peuvent être nombreux: manque de ressources, conflits entre normes ou autres priorités politiques, ou encore collaborations difficiles entre communes. La dimension politique, souvent négligée, est essentielle: un bon projet peut échouer si les soutiens manquent. Le CAS offre les outils pour identifier ces freins et y répondre. Cela passe aussi par l’étude des actrices et acteurs impliqués et par des dynamiques d’interaction. D’autres domaines — comme la santé — méritent d’être intégrés à cette réflexion.
Pourquoi?
Pour faire avancer la cause du vélo, il faut tisser des alliances. Or le domaine de la santé constitue un levier encore peu exploité. Si les liens entre vélo et protection de l’environnement sont bien établis, ceux avec la santé restent à développer. Pourtant, les objectifs sont communs: activité physique, qualité de vie, réduction du bruit et de la pollution. Ces deux univers gagneraient à mieux collaborer. Le défi est d’encourager les collaborations entre services souvent cloisonnés: santé, mobilité, tourisme, sport… Favoriser la coopération et la compréhension mutuelle est essentiel pour avancer.
Où interviennent les dimensions historiques et sociologiques ?
Elles sont abordées dès le premier module. L’histoire du vélo, mais aussi celle de la voiture, permet de mieux comprendre la situation actuelle. Le système automobile s’est imposé pendant un siècle. Le vélo, en tant qu’alternative, le remet en question, ce qui n’était pas le cas, ou peu le cas, avec les transports publics.
Mais les résistances ne sont pas une fatalité. Rappelons qu’à une époque, les zones piétonnes suscitaient des débats enflammés. Aujourd’hui, plus personne ne souhaite revenir en arrière. Il en ira de même pour les infrastructures cyclables bien conçues.
D’où l’importance de créer des alliances?
Exactement. Il n’existe pas de solution unique. Chaque contexte requiert des approches adaptées: diagnostic, processus participatifs, dialogue, écoute des craintes. Il s’agit parfois de démontrer aux commerçants les personnes se déplaçant à pied et à vélo constituent une partie importante de leur clientèle.
Les vélos-cargos changent-ils la donne ?
Ils illustrent à quel point le vélo évolue. Avec les vélos à assistance électrique et les cargos, il devient un mode de transport polyvalent qui permet de parcourir de plus longues distances, d’aplatir le relief, de transporter des enfants.
Ce développement ouvre de nouvelles perspectives. Il confirme l’importance de l’observation de terrain, pour rester en prise avec les besoins réels. Nous vivons une période-clé, où un grand potentiel ne demande qu’à se déployer.
Informations et inscriptions: www.formation-continue-unil-epfl.ch/formation/strategies-promotion-velo-cas/
https://www.pro-velo.ch/fr/pro-velo/actualites/article/une-formation-innovante-pour-promouvoir-le-velo